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Critique de Prospero Brûle par Maestitia

Publié le Samedi 10 septembre 2016 | 5 corrections après publication

Je me nomme Ahmad Ibn Rustah, skjald de la Tra, j’amène près de ce feu l’histoire du raid qu’a accompli le Vlka Fenryka sur Prospero, comme il est attendu de moi.
Beaucoup de voix s’entendent à travers la mienne, beaucoup de souvenirs, car j’ai accompli mon devoir de skjald des Tra, le devoir que m’a confié Ogvaï Helmschrot, jarl de la Tra, et avant lui Gedrath Gedrathsa, jarl de la Tra, celui de rassembler tous les récits qu’en avaient les hommes de la Tra, et d’en faire des souvenirs qui pourraient être racontés, encore et encore, jusqu’à ce que le wyrd décide de l’instant où mon fil devra être coupé.
Vous qui êtes rassemblés ici auprès du foyer, et qui m’écoutez à la lumière du feu, vous qui buvez votre mjod, et qui attendez que votre partie de l’histoire soit récitée, vous aurez à me pardonner. Ce récit est aussi le mien, j’y suis, à l’intérieur, ma voix et mes souvenirs, et je ne peux pas en être sorti. Car je me nomme aussi, Kasper Hawser, visiteur de Fenris, camarade de la sixième légion, pion de la quinzième, témoin extérieur.
Le récit de la chute de Prospero est plusieurs choses. Nous le savons tous. Il témoigne avant tout du courage et de la loyauté des Astartes de la Sixième. Il est l’histoire d’un devoir accompli sans hésitation et sans équivoque. Le Père de Tous a dit aux Rout quelle tâche il avait besoin de les voir accomplir, et cela fut fait. Personne qui entendra jamais ce récit ne mettra en doute la dévotion du Vlka Fenryka.

Il est aussi une complainte. Ce fut une triste nécessité regrettée de tous, qui ne fut source d’aucun plaisir, pas même de la récompense de la gloire. Le châtiment d’une autre légion, même lorsqu’il fut exécuté avec tant de succès, n’est pas chose facile à accepter pour l’esprit. Tel a toujours été le fardeau des Loups de la sixième légion Astartes : que leur vocation de chasseurs du Père de Tous ait placé un tel poids de responsabilité solennelle sur leurs épaules, plus lourd que celui enduré par les autres légions. Il n’y a pas de honte à admettre que ce récit soit celui de notre tristesse, de notre deuil. Un récit que nous serions heureux de pouvoir laver de nos mémoires et dont nous voudrions nous défaire.

Prospero a brûlé. Les Loups de Fenris ont fondu sur elle et elle s’est embrasée, avant de mourir dans les ténèbres. Bien que rompue à de nombreux arts de la guerre et du savoir, la fraternité de Tizca ne pouvait espérer surmonter la tuerie. Sanglants furent les combats, sauvages et détestables. Il n’y eut jamais qu’une seule issue probable. Nul ne survit jamais à la venue des Loups, fussent-ils le Roi Écarlate et ses mille fils.
Nous savons quelle fut la conclusion. Nous connaissons la fin de l’histoire. Nous savons que Magnus a fui, brisé, avec les derniers lambeaux de sa légion autrefois noble, et dans sa fuite, il prouva au-delà du doute l’étendue de ses talents nécromantiques. Seule la plus noire des magies lui a permis d’échapper vivant au champ de bataille.
Il est toutefois une partie de cette histoire que vous ne connaissez pas, et cette partie est la mienne, et je ne la dirai qu’une seule fois. Ici et aujourd’hui.

Paru en octobre 2011 en français, Prospero Brûle est le troisième roman de l’Hérésie d’Horus écrit par Dan Abnett, auteur à succès que l’on ne présente plus. À l’époque de sa sortie, j’avais été très impatient de lire ce tome qui promettait énormément de part son synopsis et par sa couverture bien badass.

Il me faudra la lecture d’autres romans carottes de la Black Library, comme La Légion des Damnés (je vous renvoie à notre interview avec son auteur Rob Sanders concernant le choix d’un titre d’un ouvrage et les contraintes posées par l’éditeur) ou encore les recueils comme Death and Defiance, pour me rendre compte qu’une pochette ne fait pas tout et que les synopsis en quatrième de couverture font bien souvent office de carottes warpesques.

La critique de ce quinzième tome de L’Hérésie d’Horus datant un peu, j’ai estimé qu’une relecture serait pertinente. Voici donc la re-critique de Prospero Brûle.

L’histoire raconte la venue à l’impromptu d’un archéologue originaire de Terra sur Fenris, planète natale du Primarque Leman Russ et de la Vème Légion de l’Empereur, les Space Wolves. Le livre est découpé en trois parties distinctes aux forces/faiblesses très différentes que je développerai maintenant.

La première partie fait office d’introduction avec la mise en place du personnage central, Hawser que nous allons suivre tout le long du tome. Ce dernier est littéralement largué au sein d’un environnement très hostile. D’abord de par sa condition physiologique, mais aussi au niveau psychologique. Ce premier segment aura donc pour but d’attacher le lectorat au héros, de ressentir une certaine compassion pour lui, mise en valeur par un lieu et des individus qui lui sont plutôt inhospitaliers.

Malheureusement, j’ai ressenti l’exact opposé. Et ce pour différentes raisons. Tout d’abord Abnett va tout faire pour nous embrouiller, en commençant par l’identité de notre héros. D’abord surnommé l’Upplander, puis Kasper Ansbach Hawser et enfin Ahmad Ibn Rustah. Le tout est nuancé de flashback, de rêves et d’évènements présents. La temporalité y est donc divisée en trois, tout comme le personnage. L’aspect cache-cache de la première partie m’a véritablement agacée et mélangée. Elle a eu pour finalité un détachement de ma part pour le personnage d’Hawser.

On y découvre en revanche l’Aett, la tanière des routs (Space Wolves), la manière dont ils vivent et dialoguent. L’auteur en profite donc pour nous initier à leurs langages, le vieux norrois mais aussi au wurgen, tout en introduisant des notions subtiles mais primordiales pour les Astartes de la Vème, comme l’art de raconter une histoire mais de ne jamais l’écrire ou l’enregistrer. Les différences culturelles couplées à la curiosité d’Hawser (archéologue de Terra), poussent le récit et donnent un rythme énergique au présent. C’est ce qui rend l’Upplander attachant.

La seconde partie quant à elle, est la plus longue (environ 200 pages), mais aussi la plus riche et la plus intéressante. C’est le pilier du roman qui, pour ma part, a presque failli éclipser les autres moments importants du récit. C’est le segment où Dan Abnett sort sa plume d’or et nous plonge au cœur du Vlka Fenrika à travers les yeux de notre héros via une poésie violente et maîtrisée. Ici, nous assisterons aux premières expériences d’Hawser en tant que skjald de la Tra (troisième compagnie), qui se trouve être le rôle de conteur que les routs lui attribueront. Étant donné que ni le lectorat, ni les Space Wolves (ni Hawser!) se savent pourquoi il est parmi eux, autant lui donner un truc à faire !

Le nouveau skjald accompagnera les loups sur différents mondes lors d’opérations de grande envergure. On sentira Hawser pénétrer toujours plus profondément dans la culture fenrissienne et se détacher de toutes les autres. Tout comme son lectorat, l’Upplander deviendra à force un membre respecté et même salué parmi les loups. Les batailles sont décrites avec classe et démesures, les combats sont poignants et suintent la sauvagerie loyale que seule les Space Wolves peuvent incarner.

Viendront des moments intenses, comme avec la rencontre d’Hawser et de Long-Croc (aka Ulvurul Heoroth), prêtre des runes. C’est le moment fort qui m’a le plus marqué et plu aussi. C’est aussi lors de cette rencontre que notre héros va commencer à se poser des questions et douter de certaines sources d’information… On n’avance pas beaucoup dans la trame, mais on l’oubli facilement grâce aux contes pénétrant de cette seconde partie.

Enfin, la dernière section du livre nous dévoile le destin d’une pléthore de personnages à commencer par Russ lui-même, mais aussi de personnages secondaires et tertiaires. Les évènements fatidiques s’enchaîneront sans permettre aux personnages de les comprendre pleinement. C’est comme si le roman brassait les dés du wyrd (destin) pendant plus de 350 pages avant de jeter le résultat à la face de ses protagonistes.

Deux évènements viendront donc bouleverser le récit : le procès/traité de Nikaea et l’ordre formel de l’Empereur d’anéantir Prospero et de tuer Magnus et ses Thousand Sons. Et oui, on en aurait presque oublié que le roman s’intitule Prospero Brûle ! C’est dans ce segment que l’auteur nous éclaboussera avec une orgie de personnages emblématiques, à commencer par l’Empereur lui-même, les Primarques (Fulgrim, Russ), mais aussi les Sœurs du Silence ou encore l’Adeptus Custodes.

N’en déplaise aux puristes, un tel étalage de badassitude (justifié qui plus est) n’a malgré tout pas beaucoup de poids dans la lecture car le procès est très vite expédié. De la même façon, la bataille finale contre les Thousand Sons reste très brève si on excepte la confrontation d’Hawser à la vérité. Si vous désirez lire le sac de Prospero ainsi que le procès de Magnus, je vous invite à lire Un Millier de Fils.

Une fois le roman terminé et les informations digérées, ma première considération fut la mise en valeur du récit par sa richesse descriptive. Quiconque est habitué au style d’écriture d’Abnett, saura apprécier ce tome abondant de détails concernant les Space Wolves, leur culture et leurs traditions. En ces termes, le roman est un succès. Autrement, il est plutôt ennuyeux et répétitif. Sa construction étant très basique : début, milieu et fin.

En revanche, l’atmosphère espion, contre-espion distillée le long du roman s’est trouvée comme diluée, comme négligeable alors que la trame du récit est basée sur cette information. Autant dans Légion, le mystère possédait un rythme complémentaire à la narration générale, autant dans Prospero Brûle, le mystère qui plane sur Hawser a son propre agenda et semble se dissocier du fond, du Vlka Fenrika. Dommage.

Les plus

  • Un style très riche, Abnett est un as en matière de description et de mise en scène.
  • Une plongée au cœur des Space Wolves, tout un univers à (re)découvrir.
  • L'aspect conte/narration extrêmement plaisant.
  • Long-Croc, où le loup qui dérobe 12 minutes au Wyrd.

Les moins

  • Une première partie déconcertante.
  • Un mystère flagrant mais trop dillué.
  • Hawser qui ne parvient pas à convaincre.
  • Beaucoup de descriptions.
  • Un dosage suspect en matière d'exposition de personnages puissants en fin de roman.
  • Une fin expéditive.
2.5/5

Mitigé entre une expérience de narration/description/immersion fabuleuse et un choix scénaristique de mystère inintéressant. Prospero Brûle est un roman à lire au calme, sans aucune attente malgré son titre racoleur et son synopsis travesti.