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Critique de Inheritor par Maestitia

Publié le Vendredi 24 février 2023 | 3 révisions avant publication | 5 corrections après publication

Eres se tenait bras croisés et regardait le temple. Deux épées tronçonneuses incurvées pendaient à ses hanches, et l’avant-bras droit de son armure avait été coiffé d’un mécanisme de bolter, alimenté par une bande de munitions reliée à son paquetage modifié. Ses genouillères et ses coudières, ainsi que ses bottes, portaient des lames dentées orientées spécialement pour lui permettre de se servir de ses bras et jambes comme d’armes de combat rapproché.
— C’est pour ça que vous vouliez tous les corps ? » demanda-t-il. Il tourna son regard incrédule vers Eliphas. « C’est hideux. Pourquoi avoir construit une abomination pareille ? À quoi est-ce qu’elle sert ?
— À quoi sert-elle ? » Yoth eut un sourire narquois et se tourna vers le World Eater avant qu’Eliphas n’ait pu répondre. « Elle canalise. Elle absorbe. Elle amplifie. Elle distord. Elle prend les énergies de l’autre royaume et les enroule par un système complexe de décantations et de rythmes mystiques alphanumériques, jusqu’à créer une chape immatérielle condensée, dérivée de quarto-potentiels liés à une faille en semi-gradation. C’est une réalisation épique de par sa nature, et ces propriétés physiques que vous jugez hideuses ont comme pendant un équilibre tout aussi merveilleux mais invisible, et un aplomb d’une précision surnaturelle. On pourrait tout aussi bien observer l’éclosion d’un bouton de rose matinale, et se plaindre que les bords des pétales ne sont pas tout à fait droits. »
Yoth se tourna de nouveau vers sa création, et était clairement sur le point de continuer, mais Eliphas intervint.
— C’est à la fois une balise, un pont et une porte, mon cousin, » dit-il. Il comprenait la frustration de son frère, mais contrarier leur allié n’aurait profité à personne. Tenter d’expliquer à l’esprit purement militaire d’Eres les confluences éthériques causées par l’agencement unique du templum revenait à vouloir décrire la gloire d’un arc-en-ciel à un poisson aveugle. Il agita une main, peinant à trouver les mots qui permettraient d’en faire comprendre toute l’élégance multidimensionnelle. « C’est… c’est à la fois le messager et le message. Le héraut et son clairon. L’esclave et l’esclavagiste.

À ce jour, nous pouvons nommer trois auteurs qui ont pu écrire sur la XVIIème Légion avec plus ou moins de succès. Il y a Anthony Reynolds et sa trilogie qui commence à dater un petit peu prenant place au 41e millénaire. Vient ensuite Aaron Dembsky-Bowden qui fut une véritable révélation avec pour histoire la corruption du Primarque Lorgar Aurelian et de sa Légion au 31e. Enfin, Gav Thorpe, qui a eu le privilège d’être le conteur des origines du Porteur de la Parole dans la série Primarchs. C’est ce dernier qui nous raconte l’histoire de L’Héritier dans cette nouvelle.

Gavin Thorpe est du même acabit que Nick Kyme selon moi. Ceux sont deux auteurs excellents sur les formats courts tels que les nouvelles ou les eshorts. Cependant, ils ont tendance à traîner la patte lorsque la distance et les chapitres s’accumulent. Parfois ennuyeux, souvent soporifique, Gav Thorpe possède un style d’écriture qui passionne ou assomme. Sauf, lorsqu’il s’agit de récit court encore une fois, comme Raven’s Flight qui est un parfait exemple de maîtrise scénaristique.

Cela me fait penser que Gav est particulièrement doué pour retranscrire les émotions et les situations poignantes. Dans Raven’s Flight, l’auteur emploi les mots justes pour décrire la tristesse incommensurable du Primarque Corvus Corax lors du Massacre du Site d’Atterrissage sur Istvann V. Je repense aussi à Honour to the Dead, où l’auteur nous offre différentes perspectives à propos de Calth qui se retrouve à feu et à sang.

Petite parenthèse : il faut cependant rappeler que les deux ouvrages cités plus hauts, ont été publiés initialement en tant que Audio Drama et ont donc été rédigés dans cette optique. Transposer ces Audio Drama en nouvelle fait perdre immanquablement de la force et de l’âme au récit qui sera lu au lieu d’être entendu.

Mais revenons à l’Héritier. Celles et ceux qui ont l’œil aiguisé, auront remarqué l’emblème des World Eaters en arrière-fond de celui des Word Bearers sur la couverture. Et que donne XII + XVII ?
Réponse : La Croisade de l’Ombre (The Shadow Crusade), où le massacre des mondes d’Ultramar.

Le résumé nous explique qu’un apôtre Word Bearer est sur le point d’achever un puissant artefact démoniaque afin de s’attirer les grâces de son Primarque ainsi que du Chaos, le tout sur un monde ravagé en grande partie grâce (ou à cause) des World Eaters. Bon, soyons honnête, il n’y a pas de quoi s’enjailler, sauf qu’en fait si !

Là où ça devient intéressant, c’est lorsque l’auteur pose des noms connus, mais oubliés. Poursuivons l’interrogatoire voulez-vous. Si je vous dis le monde de Kronus… Non, cela ne vous évoque rien ? Très bien. Et si je vous dis Eliphas.

Ah, là il y a quelque chose qui vient titiller votre mémoire d’ancien combattant. Si ce nom vous semble familier, c’est que vous avez eu une jeunesse dorée avec le célébrissime jeu de stratégie Dawn of War. Je ne vais pas ressasser les souvenirs d’une époque révolue, mais cette nouvelle de Gav Thorpe viendra chercher la nostalgie pour tous les joueurs et joueuses du premier opus de ce jeu vidéo qui encore aujourd’hui n’a pas eu d’égal. Fort de ces nouvelles informations, votre curiosité, tout comme la mienne, vient d’être piquer à vif.

La nouvelle nous amène donc sur Kronus, monde dévasté où l’apôtre Eliphas y fait ériger un monument immonde, à l’architecture indicible qu’il baptise le Templum Daemonarchia. J’ai apprécié les descriptions du temple et des angles non euclidiens de la structures ainsi que des esclaves consentants de mourir à l’accomplissement de ce bâtiment monstrueux. Lorsque le warp et le Chaos se mêlent au monde des mortels, le champ lexical bascule rapidement vers du Lovecraft et il est toujours satisfaisant de voir l’ancien maître de l’épouvante cosmique être l’inspiration, pour ne pas dire le modèle, lorsqu’il s’agit de décrire l’impossible. Je vous renvoie au génial Un Millier de Fils, ou le final est digne d’une apothéose cataclysmique d’une apparition Nyarlathoteptienne. Si vous n’avez pas postillonné en lisant cette phrase, vous êtes un initié Ïa ! Ïa !

On retrouve donc, Eliphas dans sa jeunesse de Word Bearer mettant tous les moyens à sa disposition pour recevoir les pouvoirs et autres bénédictions du Chaos. Mais comme dans tous les Dawn of War, Eliphas finit toujours par se faire couper l’herbe sous le pied. C’est drôle et pathétique à la fois. Le lectorat apprendra en outre, comment Eliphas a obtenu son titre d’héritier, mais mis à part cela, la nouvelle ne mérite pas que l’on s’attarde dessus. Lorgar le congédie comme un mal propre et la frustration de l’ambitieux Word Bearer prend racine.

L’anecdote aurait pu être mieux traitée et plus constructive aux vues du personnage de super méchant que représente Eliphas. Le voir se faire humilier une fois de plus, n’aide pas et malgré l’antipathie de ce dernier, j’ai éprouvé une certaine pitié : le syndrome d’Abaddon.

Les plus

  • Eliphas qui tente une fois de plus de faire règner le Chaos et la terreur.
  • Un clin d'œil appréciable à la série des jeux vidéos Dawn of War.
  • Le temple maléfique et les descriptions.

Les moins

  • Eliphas qui échoue à faire régner le Chaos et la terreur.
  • Potentiel sous exploité.
  • Fade.
2/5

On passe à côté d'une nouvelle qui avait tout pour nous intéresser, mais qui échoue lamentablement, à l'image d'Eliphas et de ses ambitions. Un personnage qui aurait eu droit à des origines plus intrigantes et moins humiliantes. Tant pis.