Le ReclusiamCritiques des publications et Ebooks Warhammer 40 000 de la Black Library
Navigation
Navigation

Les Racines de l'Âme

Achèvements choisis :

  • Un Ultramarine sans honneurs : Mort d’un Ultramarine mais pas en combat
  • En voilà un Inquisiteur qu’il est véreux : Inclure un Inquisiteur pas net
  • Papa Abbadon : Il va y avoir du Chaos
  • Exterminatus : Explicite. En d’autre termes, faut qu’ca pète
  • Sacré-Saint : Mentionner l’Empereur

Le maître genetor Agadis effleurait pensivement le marbre de l’autel. Les coups de feu se faisaient de plus en plus proches. Dans la chapelle, les mères, imperturbables, campaient sur leurs positions, armes en main. Pourtant elles allaient affronter celles qui étaient autrefois leurs sœurs. Agadis enviait leur calme. Il y avait tellement à perdre. Leurs assaillants avaient depuis longtemps fermé leur esprit. Pourtant s’ils l’écoutaient… tous ces bienfaits qu’il pourrait apporter à l’Imperium !

Tandis que des rugissements de tronçonneuse se rapprochaient de la porte, tels ceux d’une meute enragée, Agadis promena le regard sur la voûte, où naissaient les racines descendant jusqu’au dallage, enroulées autour des colonnes et des statues. La porte vola en éclat. Presque aussitôt l’escouade investit la première travée, face aux rangs des mères. Des armures immenses, perçant l’obscurité de leurs yeux électriques.

 — L’Empereur protège, souffla l’une des sœurs de bataille parée d’une cape pourpre en apercevant Agadis et son cercle.
 — Il n’y a rien à sauver ici, rugit un space marine en armure noire, le fusil bolter levé.

Agadis nota que les humains parmi eux portaient des masques respiratoires. Il ne put réprimer un sourire malgré l’instant critique. Ils ne comprenaient pas encore le don des racines. Alors que les canons se braquaient sur lui et ses servantes, l’une des arrivantes, qui ne portait pas l’armure des sœurs, se détacha du peloton.

 — Il nous faut le genetor vivant ! brailla-t-elle.

Agadis nota que par l’ouverture de son long cache-poussière noir, la rosette inquisitoriale pendait à une chaîne d’or contre son plastron. Il descendit pesamment les marches, les bras ouverts en signe d’apaisement. Les mères s’écartèrent sur son passage.

 — Mes enfants…
 — Créatures impies, gronda la sœur en cape, qu’avez-vous fait des survivantes ?
 — Paix, je vous en prie ! Je n’ai à vous apporter que bienfaits et bénédictions.

Mais il vit le groupe armé reculer à son approche, leurs canons plus que jamais en joue.

 — Mes enfants, écoutez-moi ! Vous n’avez rien à craindre de nous, au contraire ! Ici, j’ai trouvé une flore miraculeuse qui peut guérir l’humanité de tous ses maux !

Un bolt fila à deux doigts de son oreille pour faucher une mère.

 — Non !

Mais la fusillade était lancée. L’air se remplit de plombs, de feu et d’échardes. Les mères se jetèrent sur l’ennemi avec célérité. Déjà la poussière embrumait la chapelle. Agadis vit la silhouette monstrueuse et agile de la sœur qui l’avait invectivé jaillir des volutes pour s’élancer sur lui. Il dévia sa lame d’un geste instinctif de la main mais sentit son fil tailler son épaule. Il poussa un cri sous la morsure, mais la force des racines en lui ne l’abandonna pas et d’une bourrade il stoppa net l’assaillante, l’envoyant voler en arrière comme une poupée de chiffon.

Il fouilla les environs, désorienté. Partout les mères et les assaillants ferraillaient. Le genetor tourna la tête en entendant un galop de fer tonitruant s’approcher de lui. Trois space marines le chargeaient à leur tour. Pétrifié face à cette force implacable, Agadis sentit quelque chose se libérer en lui d’un coup. Il ne vit pas ni ne sentit réellement ce qui se produisit, mais tandis qu’il battait des paupières il trouva le space marine à l’épée avec un genou à terre. Un bras lui manquait. Les deux autres gisaient au sol. Tout s’embrasa autour du genetor.

L’inquisitrice bondissait à son tour hors des brumes, son sabre énergétique brandit, mais c’est sa main qu’elle pointait sur lui pour projeter un souffle de flammes qui l’aveugla. Agadis se tassa sous la chaleur infernale qui le torturait sans le tuer. L’inquisitrice aller lui porter un coup, mais une mère bondit entre elle et son maître et la repoussa dans une travée. Agadis frappa les flammes qui finissaient de désintégrer son manteau.

C’est alors que la première attaquante, la sœur à la cape, bondit sur l’épaulière du space marine blessé d’où elle s’élança en hurlant un « Imperator veult ! » pour retomber sur le genetor, le clouant au sol, l’épée en travers de la poitrine. Agadis sentit alors la colère le submerger. Il saisit la lame à même ses mains, l’extrait de son torse et renversa la sœur. Pesant de tout son poids sur elle, il tenta de repousser la lame dont elle se servait comme rempart. Le métal lui brûla les paumes, plus ardemment encore que le feu de l’inquisitrice. Quelle était donc cette arme ? Et ces reflets verts dans son métal ? Agadis reconnut le bleu de ses yeux dans la surface miroitante, au milieu d’un visage qui ne ressemblait à rien de ce qu’il connaissait.

L’inquisitrice avait décapité la servante tentaculaire en soutane et voulut prêter main-forte à la sœur, mais Agadir bondit en arrière, la libérant de son étreinte. Haletant au milieu du chaos ambiant, il baissa le regard et, pour la première fois depuis des décennies, contempla ce qu’il était devenu. Il poussa un rugissement qui glaça l’inquisitrice et la sœur. Elles le virent se tasser sur lui-même, son corps obèse comme agité de l’intérieur par des vers énormes, ses tentacules fouettaient l’air.

Les sœurs ayant abattu la dernière des servantes, elles rejoignirent leur meneur qui les lança à la charge avec un cris de guerre, l’inquisitrice sur leurs talons. Elles tranchèrent plusieurs des appendices mais deux d’entre elles furent décapitées par les coups de fouet. Une autre reçut un jet de glaires qui fit instantanément fondre la partie supérieure de son corps. Finalement la chanoinesse fut balayée et l’inquisitrice plaquée à terre par le bras boursoufflé du monstre. Soudain un objet lourd fendit l’air.

La créature fut clouée contre l’autel, la longueur d’une épée tronçonneuse dépassant de son ventre suintant. L’inquisitrice reprit une inspiration libératrice et vit, accourant, le capitaine Septimus, son moignon d’épaule projetant du sang, qui se saisit du manche de son épée tel un poignard et activa la rotation des lames. Un geyser de fluides impurs fusa du corps déformé, avec un cri couvert par le vrombissement du moteur, jusqu’à ce que le capitaine tranche le monstre en deux par le haut. Sa gueule fendue poussa un ultime borborygme immonde, ses yeux s’écarquillèrent comme sur une révélation. Puis il implosa.

Le capitaine Septimus tituba devant l’ennemi vaincu, puis s’effondra en arrière au même moment où l’inquisitrice se remettait péniblement sur pied. Un calme surréel se fit dans la chapelle. Hagarde, elle s’aperçut qu’elle était la seule encore debout. On n’entendait plus que la pluie des morceaux spongieux du genetor retombant de la voûte. La voûte ! L’inquisitrice crut d’abord voir des serpents s’échapper des lézardes, mais réalisa que les racines prenaient vie. À une vitesse cauchemardesque elles descendirent des murs, recouvrirent les corps, remontèrent les marches jusqu’à l’autel et sa dépouille. L’inquisitrice n’avait même pas encore songé à fuir que déjà elle sentait leurs griffes sur ses jambes.

 — Maudites ! fit-elle en se débattant.

Les parois étaient maintenant noires. Les cierges s’éteignaient un à un. Les space marines et les sœurs n’étaient que de vagues formes sous un tapis grouillant. L’inquisitrice ferma les yeux et oublia tout, même les serres froides qui lui arrivaient maintenant à la taille. En elle était la foi, et la foi était la flamme. Elle sentit le pouvoir monter.

 — Je suis la torche dans la pénombre.

Des arcs électriques lui enserrèrent la tête.

 — Je suis le fer qui marque l’infamie.

L’air devint brûlant.

 — Je suis le phare pour Sa lumière.

Le feu fusa de ses yeux et sa bouche entre les veines rampantes.

 — Voyez comme je brûle.

L’explosion emplit toute la chapelle. Elle souffla par les portes brisées et envahit les couloirs comme un torrent. Elle enveloppa les statues défigurées, gravit les marches et s’écoula par les fenêtres. Elle monta en une tornade emportant tout avec elle et brisa la coupole pour fleurir loin au-dessus du couvent.

La chanoinesse Maximilia reprit conscience sur un brancard. On lui avait ôté son armure pour la perfuser de toute part. Plusieurs serviteurs s’activaient autour d’elle avec les outils médicaux qui leur dépassaient des doigts. Au pied de son lit patientait l’inquisitrice, debout, son manteau sur les épaules, le visage partiellement bandé.

 — Que…, fut tout ce que la sœur put articuler.
 — Tout va bien, chanoinesse. Nous sommes sur l’Écharde du ciel. Vous êtes hors de danger, grâce à L’Empereur.
 — Mes sœurs…
 — Elles n’ont pas eu votre chance. De même que le capitaine Septimus et son escouade.

L’inquisitrice laissa le temps à la chanoinesse d’assimiler l’information.

 — Pourquoi sommes-nous sur le pont supérieur ? demanda-t-elle enfin.
 — J’ai pensé que vous méritiez d’assister au spectacle.

À travers l’immense verrière on avait une vue panoramique de la planète calcinée et de sa lune verte. La chanoinesse s’aperçut qu’en dépit du grand nombre d’individus présents sur le pont, il n’y avait aucun affairement. Tous les passagers de la frégate avaient les yeux rivés sur l’astre maudit dont elle avait réchappé. Le silence était quasi total. Au bout de quelques secondes, il y eut un éclair aveuglant. Quand la chanoinesse put rouvrir les yeux, la lune présentait une tâche noir auréolée de rouge la rongeant peu à peu. Au sol, les forêts maudites se changeaient en cendres, puis la cendre en sable et le sable en verre craquelé.

 — La volonté de l’Empereur est faite, crut bon d’expliciter l’inquisitrice au milieu des éclats de voix.
 — L’est-elle ? répondit froidement la chanoinesse.

L’inquisitrice plissa le regard sur elle.

 — Les anges et vos sœurs ont trouvé la plus belle mort qui soit. La seule belle mort qui soit.
 — Et vous, inquisitrice ? Qu’avez-vous trouvé ?
 — Nous sommes dans le même camp chanoinesse, j’espère que vous le savez.

La chanoinesse fit l’effort de se redresser, causant un léger affolement aux serviteurs.

 — Je sais aussi que le maître genetor Agadis faisait des recherches peu louables dans les ruines… ce qu’on croyait être les ruines d’un couvent. Alors je vous répète ma question : que cherchait l’Inquisition ici ? Un remède ? Une arme biologique ? Que s’est-il passé pendant mon inconscience ?

L’inquisitrice contourna le brancard pour venir poser une main amicale sur l’épaule large de son interlocutrice, l’invitant à se rallonger.

 — Reposez-vous, ma sœur. L’ennemi est vaincu. Vous n’avez pas besoin de vous en trouver d’autres. Dans l’immédiat.

Sur ces paroles elle s’en alla, avant que la chanoinesse ne puisse répondre. L’inquisitrice marcha longtemps dans les coursives du vaisseau, d’abord larges, puis de plus en plus étroites. Elle parvint enfin à un sas, sur le moniteur duquel elle appliqua sa rosette inquisitoriale. Le panneau coulissa en sifflant. À l’intérieur, la légère phosphorescence de la cuve était le seul éclairage. Le corps amputé du capitaine Septimus y flottait paisiblement, son visage à moitié couvert d’un masque respiratoire prolongé d’un long tuyau. Ses yeux alertes, en revanche, virent l’Inquisitrice entrer et la suivirent jusqu’à ce qu’elle le rejoigne devant la machine. Une ombre rouge se présenta à elle. Sous la capuche de sa robe, son visage de métal scintillait d’un tas de voyants.

 — Il est réveillé ? demanda l’inquisitrice.
 — Conscience partielle, commenta le technoprêtre d’une voix synthétique. Mise en stase rendue impossible par la présence du corps étranger.
 — Des changements ?
 — Évolution stable. Propagation contenue. Définition des paramètres de confidentialité en attente.
 — Personne ne doit savoir avant que nous arrivions au palais du Tricorne.
 — Paramètres mis à jour.

L’inquisitrice examina longuement le corps hypertrophié.

 — Et éclairez cette cuve. En permanence.

Elle croisa fugacement le regard du space marine.

 — Je ne veux aucun reflet sur ce verre.

La frégate s’éloigna de l’orbite. Devant elle, une percée dans l’espace s’ouvrit sur la lumière violacée du Warp. Elle y disparut lentement. Après son départ, l’astre devint une sphère incandescente, à l’image de sa planète, avec laquelle elle se confondit dans sa course, comme une enfant revenant à sa mère.