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Critique de Prétoriens de Dorn par Maestitia

Publié le Dimanche 16 avril 2023 | 5 révisions avant publication | 3 corrections après publication

Parce que j’ai choisi de suivre cette proie, se dit-il. Parce qu’une fois plongé dans le nœud de mensonges, je me suis retrouvé à l’écart. Ce frisson glacé était devenu son monde tandis que la logique retournait ses pensées en tous sens. Des mensonges à l’intérieur des mensonges, une duperie au milieu d’autres duperies. Dorn avait cru que l’attaque contre Terra n’était qu’une feinte, une distraction pour le tenir à l’écart de la vérité de cette guerre, et il s’était donc coupé de la possibilité d’en apprendre plus, afin de se concentrer sur la vérité, pas sur la diversion.

Mais… Mais la vérité n’était pas la vérité, et quoi qu’il arriverait sur Phaeton et Esteban, ce n’était rien qu’une feinte pour écarter leurs regards de ce qui allait être, en vérité, le coup mortel.

— Qu’y a-t-il, mon frère ? demanda Efried. Quel est le problème ?

J’ai échoué, pensa Archamus.

De quoi ai-je peur ?

Mon frère vit dans les mensonges, avait dit Dorn.

Je lui ai failli…

Commencez à réfléchir à ce qu’il fait, et vous lui tendrez la meilleure de ses armes.…et d’autres vont payer le prix de mon échec.

— Transmettez les signaux d’invasion, mon frère, dit Archamus d’une voix qui lui sembla séparée de lui, froide, contrôlée, comme celle d’un autre. Alertez toutes nos forces. Donnez l’alerte générale dans tout le système.

Encore cette longue pause, les grésillements et les claquements des parasites.

— Vous êtes certain ? demanda Efried. L’ennemi arrive ?

Archamus secoua la tête.

— L’ennemi est déjà là.

Terra, nous sommes en M31.011, cela fait maintenant plus de six ans que Rogal Dorn a pris connaissance de la trahison du Maître de Guerre. Six années qui ont été utilisées à modifier et rebâtir le Palais Impérial. Certains diront que le Primarque de la VIIème a détruit la merveille incommensurable qu’était le domaine de l’Empereur. D’autres, plus pragmatiques, constateront que le père des Imperial Fists a su ériger en un temps-record un chef-d’œuvre de forteresse. Mais que vaut un bastion inexpugnable face à un ennemi qui favorise la duperie au siège ?

Si vous ne savez pas de qui je parle, la première de couverture éclipsera tous vos doutes. À l’instar des Anges de Caliban où l’illustrateur Neil Roberts nous offrait un duel épique entre le Lion et le Nighthaunter, l’artiste récidive ici avec un affrontement tout aussi épique en la présence de Rogal Dorn contre Alpharius. L’Alpha Legion contre les Imperial Fists, un chouette programme lorsque l’on connaît un tant soit peu ces légions qui sont très différentes, voir opposées l’une de l’autre que ce soit sur le plan moral que stratégique.

Rappelons que le tome 7 de la saga, intitulé Légion de Dan Abnett, venait poser des bases solides d’un lore qui n’existait quasiment pas à l’époque. Par exemple, la célèbre citation « Je suis Alpharius, » prononcée par les Astartes de la XXème légion, en est devenu un running gag sur internet. Avec le temps, ce gimmick s’est imposé comme une marque de fabrique, bien que ce crédo existait auparavant. Abnett avait su exploiter tout ce potentiel qui sommeillait depuis trop longtemps : l’aspect trompeur de l’Alpha Legion et sa capacité à mener des guerres secrètes, à prévoir ses coups en avance. Tout cela fait d’elle une légion unique en son genre.

Certes, nous pourrions citer la Raven Guard ou encore les Night Lords qui excellent dans l’art de prendre les ennemis par surprise en les déstabilisant, profitant ainsi du chaos pour frapper vite et fort. Cependant, l’Alpha Legion pousse le stratège de la duperie jusqu’à son paroxysme, et c’est ce que Prétoriens de Dorn nous propose.

Bienvenue sur Terra, ses souterrains et son orbite. Avec ce roman, John French place d’entrée de jeu le lectorat comme observateur depuis différents points de vue créant une sensation d’être lui aussi un espion participant secrètement au récit. Pour ma part, j’ai été un peu perdu à cause du nombre d’intrigues et de personnages lorsque j’ai commencé la lecture, mais on retrouve ses repères après les premiers chapitres.
Bien que le fil conducteur de l’intrigue soit partagé entre la VIIème et la XXème, j’ai beaucoup apprécié que chacune d’entre-elles soient subdivisées. Par ce procédé, le récit gagne en richesse et en complexité grâce à un éventail de nouveaux personnages et des side stories qui viennent épaissir l’histoire.

Parlons un peu Dramatis Personae. Alors que Dorn représente le cœur de la défense Terran et fait son possible pour éviter les infiltrations au sein du domaine de l’Empereur, ce dernier mandate Archamus, chef des Huscarls Imperial Fists, d’une mission secrète consistant à enquêter sur les activités de l’Alpha Legion dans le système Sol.

Cette enquête en interne va pousser Archamus, garde du corps émérite du Primarque, à recruter Kestros, sergent de la 344ème compagnie et Andromeda-17, une puissante psyker dévouée au culte Selenar basé sur Luna. À eux trois, ils devront dérouler le fil de la trahison afin de remonter jusqu’au cerveau de l’opération. Archamus est un personnage solide en terme d’émotion qu’il va provoquer chez le lectorat : vétéran depuis toujours, il a été parmi les premiers à devenir Astartes après la découverte de Rogal Dorn par l’Empereur. Surnommé, le Dernier des Premiers, Archamus représente toute la noblesse et l’inflexibilité de son père sans le côté sentimental que l’on peut retrouver plus facilement chez le premier capitaine Sigismund. Archamus représente le titre du roman à lui seul, autant dire qu’il en impose.

Mais c’est du côté renégat que mon cœur balance. En effet, la particularité de l’Alpha Legion est de recruter à tous les niveaux : sociaux, castes et sous-groupes ou espèces à partir du moment où ces derniers peuvent être utiles aux desseins de la légion. C’est ainsi que nous découvrirons Incarnus le psyker à l’agenda fou et Myzmadra, une agente militaire d’exception.

Cette dernière a pour mission de réveiller les Astartes de la XXème qui sommeillent à l’état de stase profonde dans le désert de Gobi, sur Terra elle-même. Myzmadra est pour moi l’un des protagonistes qui vient rendre l’histoire cohérente, Elle n’est certes qu’un second rôle, mais elle apporte par ces réflexions et ses prises de parole un ton et une ambiance réaliste.

Et j’arrive à l’âme du roman : son atmosphère. Avec ces trames scénaristiques constituées de mystères, de trahisons et de surprises qui s’entrelacent sans cesse, John French est parvenu à nous offrir une histoire digne d’un roman d’espionnage. Il est fort à parier que certains n’aimeront pas ce roman justement pour ces mêmes raisons.

C’est un style peu commun pour un tome de l’Hérésie d’Horus, car seuls Légion et Prospéro Brûle de Dan Abnett peuvent être étiquetés en tant que tel. Cependant, l’histoire sait faire la part belle aux deux légions et ce n’est pas toujours le cas dans la saga. De plus, les retournements de situations sont nombreux et les scènes de combat sont intenses et sanguinolentes. La violence des affrontements a su m’accrocher à chaque occasion.

J’aimerais aussi vous parler du scénario, de la scène des statues de Primarques dynamitées, celle des cercueils d’astropathes, de l’agenda de Silonius ou encore de l’Alpha à l’Omega… Je pense cependant que ce type de roman en particulier mérite que vous l’abordiez l’esprit vierge. Laissez-vous guider et tromper par la XXème, laissez-vous surprendre et enivrer par la VIIème. L’histoire vaut la peine d’être lue et les personnages qui la portent ne vous décevront pas.

Les plus

  • Une histoire très bien découpée offrant un bon rythme de lecture.
  • Le style et le thème de l’espionnage au 31ème millénaire.
  • Archamus, Dorn, Andromeda, Silonius, Alpharius, Myzmadra : des personnages éclatants.
  • Les interludes sur le passé de Rogal Dorn et ses fils intéressants.
  • Les retournements de situation.
  • La première bataille pour Terra.

Les moins

  • Placer le titre du roman dans la bouche du protagoniste pendant le récit, ça fait un peu kitsch Mr French.
5/5

Un style rafraîchissant au travers d’une plume efficace, John French parvient à nous offrir un bon roman d’espionnage façon Horus Heresy mélangeant intrigues trompeuses, combats viscéraux et personnages attachants. Une excellente lecture.