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Avis sur Hereticus par Technoprêtre

Publié le Lundi 27 juillet 2015 | 9 révisions avant publication | 2 corrections après publication

Un roman racontant la chute d’un héros doit-il forcément pressentir la chute de son auteur ? Je n’irai pas par quatre chemins, j’ai été déçu par Hereticus. Pourtant lu dans les mêmes conditions (en français, en une après-midi) je ne suis pas rentré dedans autant que les deux précédents. Mais si Malleus m’avait soufflé par sa densité et sa qualité – me laissant difficilement en capacité d’en appréhender toutes les subtilités – le tome d’aujourd’hui est d’une telle froideur monolithique que je peux rattraper mon faux pas de rédacteur.

Attention, cet avis va suivre l’intégralité du roman, il s’agit donc d’un spoil massif mais on parle du tome 3 d’une saga vieille de 10 ans 1. C’est aussi plus long que ce qu’on produit habituellement, nous vous invitons après lecture à nous dire ce que vous en avez pensé !

L’histoire débute par la convocation d’Eisenhorn à la présidence d’un jury inquisitorial sur une planète proche du secteur vu dans les tomes précédents.  Si la remise en contexte est correcte, l’introduction de nouveaux personnages est de mise, avec un inquisiteur «débutant» – Bastien Verveuk – dont on nous fait le plaisir de le rendre détestable en moins d’une page. Son équipe de choc l’informe de la présence non-loin du meurtrier de son ancien pilote, et sa fille faisant partie de l’équipe donne le vrai coup d’envoi. Cela donne un piment certain dans la volonté de vengeance partagée par Gregor. Mais le reste de l’équipe, toujours agrandie avec les nombreuses années passées (un gimmick de début de tome) est présentée sommairement, et sans le niveau de détail des précédents tomes : la quantité mais pas la qualité.

Cette intro n’apporte pas grand chose sur le fonctionnement impérial en général, la tenue d’un procès même de cette envergure me paraissant classique et justifié dans cet univers ou l’achat d’un grigris vous donne droit à un ticket gratuit pour les pires supplices. Un départ un peu mou malgré toute la bonne volonté affichée pour nous présenter des inquisiteurs un temps benêt (Verveuk), un temps badass (l’interrogateur Menderef). On passe ensuite à toute l’équipe d’Eisenhorn, que ce soit les acolytes habituels comme Fischig, Bequin ou Aémos ; avec un rapide rappel de leur rôle auprès d’Eisenhorn, et surtout sur le temps passé ensemble et l’évolution depuis le tome précédent. J’ai oublié Harlon Nayl dans les deux sens du terme car il était présent dans Malleus, mais peu réintroduit ici.

On nous rajoute une fournée avec un astropathe (Dahault), une spécialiste de l’infiltration (Kara Swole) et deux sous-fifres : Duclane Haar et Bex Begundi, respectivement soldat gudrunite et fripouille. Soit pas loin de 10 personnages dans le feu de l’action à venir, chacun avec son rôle à jouer (dont 2 inquisiteurs). J’ai pour ma part atteint ma limite d’attention mentale, et le génie de présentation/renforcement qu’on peut trouver dans les Gaunt n’est pas utilisé ici à son plein potentiel. Même Fayde Thuring, la cible de l’opération n’est présenté qu’en meurtrier allant à ses occupations impies, sans avoir droit à une seule ligne de dialogue. Et force est de constater qu’un méchant charismatique de plus n’aurait pas été de refus au vu de la suite.

Après un départ en trombe en plein procès (et l’arrivée de son chasseur dans une scène d’une classe folle) et le temps mort de présentation, l’action démarre sec après une rapide explication des enjeux via un civil resté sur place : il y a sur l’ile glacée qui sert de décor, un Titan, corrompu qui plus est. Et après une course-poursuite haletante et de nombreux morts/blessés à la pelle (dont Bequin) on a droit au climax attendu : l’utilisation du Malus Codicium, et l’invocation de Chérubaël. Et même si il y a un passage ou il se remémore l’ensemble des gardes-fous moraux, face à la menace il n’a pas d’autres choix. Il doit invoquer le démon qui le hantait auparavant, l’être qui l’a tourmenté en rêve pendant 50 ans, et lançait punchlines énigmatiques et mystères susurrés dans les 2 tomes précédents pour nous tenir en haleine.

Pourtant, je n’ai pas ressenti ce dillemne intérieur : même si Gregor a eu un tas d’années pour flirter avec le Chaos, sa morale personnelle est toujours restée propre, on le savait tous «Juste et Bon» dans sa démarche. Il franchit ici une ligne dans l’urgence, la trahison de ces principes n’est pas assez appuyée à mon gout. De la même façon, notre démon du cool détruit le Titan d’un coup de manchette et revient se venger juste après en profitant de la perte de controle de son Maître… qui le recapture ni-une ni-deux dans un Bastien Verveuk mourant qui sert littéralement d’éponge au warp. C’est un peu rapide pour un quasi mourrant, et mal amené : Chérubaël présenté comme une intelligence maligne ne cherche ici que la vengeance aveugle, et Bastien à l’inintelligence irritante se voit désacralisé avec quelques remords et surtout une bonne dose de «ouf on aurait pas pu le supporter tout le bouquin».

Malgré le cout élevé de l’entreprise, le succès et le repos est au rendez-vous. Après un retour sur Gudrun, on nous introduit toujours plus de personnages sur le domaine d’Eisenhorn, servant(e)s et membre de la sécurité : j’ai la nausée. Si le voyage et la présence du possédé sont bien abordés, la suite se met mollement en place avec les états d’âme de Médéa, qui philosophe une centaine de pages après nous l’avoir décrite comme une pilote dure à cuire et pleine de hargne. Survient alors une attaque nocturne et encore une fois les prouesses d’Eisenhorn pour s’enfuir en sauvant les meubles et embarquant quelques membres de sa clique trouvé ça et là sur le chemin. Car même si la présence d’une Intouchable en formation sur le domaine est crédibilisé, je l’ai ressenti comme une béquille à l’histoire, en cruel manque de Bequin. Le détail de l’échappée, à pied puis en vaisseau est très bon, mais m’a quand même rappelé le tome précédent où les prouesses de pilotage face à d’autres pilotes étaient déjà au rendez-vous. On sent bien la maitrise d’Abnett pour ces combats autant mentaux que physiques.


Pas étonnant qu’il plaise aux demoiselles vu son chariot

Arrive justement un passage intéressant : le refuge de Gregor Eisenhorn, inquisiteur impérial de haut rang, dans une bicoque de campagne  et résidence de son ancienne médecine… et amante. Si on nous avait tout juste fait une allusion aux sentiments de notre bourru favoris pour Bequin et cet amour impossible (physiquement) dans le tome précédent, c’est assez imposé ici. C’est remis en avant par «le serment sur secrets» envers Médéa et le coma de la principale intéressée. On met les pieds dans le plat entre la nouvelle demoiselle en colère car n’ayant pas eu de coup de fil en 25 ans et une intouchable éméchée qui vend la mèche que tout le monde est au courant. Il est bien beau notre inquisiteur qui ne sourit plus !

Heureusement qu’ils ont un prisonnier pour mettre une pagaille militaire dans le tas, sinon on se croirait dans un roman à l’eau de rose. Et coté sentiments, j’aurais aimé un peu plus de deuil, surtout quand on lui annonce que l’entreprise de sa vie a été détruite et le sort de beaucoup de ses collègues incertain. Il y a un bon potentiel désespoir et apitoiement, surtout avec une sous-couche de tromperie et de jeux avec les forces qu’il est censé combattre. On reste pourtant dans le flou sur qui a pu faire le coup, et l’équipe (réduite, encore heureux) doit se dépêcher de fuir après l’évasion du prisonnier.

Il est donc normal que notre mauvaise troupe (dont une brancardée) décide de prendre le train. Un train qu’on nous présente comme bucolique et à la balade romantique. Moi qui pensait que les romans Harlequin du 41ème bien différent de ceux du 21ème… Après toujours plus de sentimentalisme et un soupçon de coucherie pour notre inquisiteur au coeur de pierre (mais la découverte que Pontius Glaw se cache encore derrière tout ça), la tension remonte avec les conditions météos du train très Transperceneige2 et un sabotage dans la nuit. Si l’action qui arrive est de très bonne facture, avec un combat à l’épée sur le toit d’un train en plein blizzard, les discussions avec les machinistes et l’arrivée en ville font vite retomber la sauce.

Sauf que le rendez-vous tant prévu avec les derniers survivants de son groupe est en fait un piège ! Voila de quoi faire plaisir aux fans de l’intrigue, notre inquisiteur en proie à un régiment de mercenaires et une psyker de haut-niveau… mais il joue en fait double-jeu et fait warp-imploser un pantin, anéantissant toute menace. 3 pages ! Alors qu’on pouvait faire tenir une longue scène de discussion tendue entre les protagonistes (OK chacun cherche à tuer l’autre mais faites un effort), on a droit à un tour de passe-passe chaotique et des protagonistes qui ne se choque pas outre-mesure des agissements du plus juste et droit des inquisiteurs.


Gregor Eisenhorn et Gideon Ravenor (allégorie)

Sans intrigue et à court de personnage (kof kof), nous revoilà à bord de l’Essene avec Maxilla et sa bonhommie habituelle… enfin ce que les années en ont laissée. Le personnage tout en nuance des tomes précédents est ici haché menu dans ses relations avec les nouvelles venues et son aveu de filouterie alors qu’il se présentait toujours comme simple marchand. De la même façon, Fischig réagit sans aucune nuances et on sait dès la première discussion comment tout cela finira. Après toujours plus de blabla, arrive le plat de résistance en terme de personnage.

Gideon Ravenor est enfin présenté dans toute sa classe et efficacité (avec le retour d’Harlon et de Kara, on remonte le compteur de présence à une douzaine) et on apprend un peu plus sur ce que Pontius recherche grâce à l’aide d’un Eldar. Si tout le monde trouve des excuses à Eisenhorn pour ses petites lubies chaotiques, ce dernier n’est pas choqué outre-mesure par la collaboration de son élève. J’exagère, il y a des tensions mais on parle de membres d’un ordre qui a juré l’extermination totale de tout ce qui ne ressemble pas à un bonhomme vénérant l’Empereur : un simple «je ne leur fais pas confiance» me parait très léger voire pas crédible3.

Un énième voyage spatial voit la corruption surprise d’Aémos par le Malus Codicium et la conclusion du mode de pensée de Fischig et des commérages de Médéa qui parle trop, dans tous les sens du terme. L’arrivée de nos méchants inquisiteurs favoris Osma & Heldane est contrecarré par l’invocation de Chérubaël par Aémos… et sa re-capture dans le corps de Fischig, sans le moindre état d’âme si vous me passez le jeu de mot. Ce sont des fins en eau de boudins pour des personnages si travaillés.

Après une partie de cache-cache entre les derniers des 800 mercenaires engagés (j’ai plus eu l’impression d’en voir une centaine dans tout le bouquin), on se retrouve face à un Pontius Glaw en mode Général Grievous dans son nouveau corps. Après un âpre combat et la mort d’un enième personnage secondaire répondant au nom de Gustine 4, Eisenhorn achève son némésis et se fait secourir par son nouveau pote Chérubaël, grâce à l’emprise d’une flopée de sorts toujours aussi impies. Ce dernier a d’ailleurs réussi à combattre un autre possédé au service de Glaw malgré une explication entière sur sa faiblesse en échange d’obéissance passé à la trappe. Et c’est tout. Ah pardon on a droit à une rapide page sous forme d’Addendum pour nous expliquer ce qu’il advient de Ravenor, Eisenhorn et les derniers membres de sa suite.


Pour vos cosplay d’Heldane, l’accessoire ultime

Si les fins des deux premiers tomes n’étaient pas leurs meilleures parties, on arrive ici à une franche rigolade tant l’impression qu’il manque 2 chapitres d’explication se fait ressentir. Globalement donc, on assiste plus à la déconstruction d’un personnage froid, badass et calculateur à un beau parleur amis des dames et plus si à cheval sur ses agissements. Si j’avais déjà pointer dans mon avis précédent qu’on ne ressentait pas trop la tension des «mauvais» choix d’Eisenhorn car son coté «Juste et bon» était trop dominant, on arrive ici à une incrédulité complète de sa suite ou la répulsion cliché (Fischig, Osma & Heldane). Je caricature un peu, et vous ne l’avez peut-être pas lu sous cet angle à l’époque pour certain, mais les faits sont la : si le déclencheur est bien amené (la situation critique avec le Titan), la suite du bouquin montre l’utilisation du Chaos à toute les sauces. Et même si les personnages secondaires sont choqués ou font quelques remarques, on a droit à rien de plus tant tout le monde fait confiance à l’inquisiteur (même quand celui-ci se retrouve à moitié inconscient et plein de sang dans une pièce après avoir fait mumuse avec un sortilège).

Pari réussi pour ce livre, j’ai beaucoup plus envie d’en savoir sur Ravenor et Bequin (la grande absence de ce livre) et de laisser Eisenhorn finir ses jours de petit vieu du Warp avec son toutou possédé. Les scènes d’actions sont solides, mais les personnages beaucoup moins. C’est pourtant le chemin qu’a suivi le Sir Abnett puisqu’on a l’avantage en 2015 de savoir ce qu’il nous attend : un audio qui fait le pont, et 2 sagas sur les personnages qui conservent encore un semblant de charisme à mes yeux. Je le savais déjà en lisant le premier tome, et cela m’avait fait encore plus apprécier la mise en avant de Bequin. Restrospectivement, je comprends qu’en fait elle n’avait pas tant que ça sa place dans l’histoire à ses débuts. C’est aussi vrai pour Ravenor dont au final on n’a surtout suivi les aventures médicales.

Reste néanmoins des scènes d’actions très solides et dynamiques, on est plongé dans l’action et on visualise toujours bien les décors et ambiances, ainsi que «qui poursuit qui». C’est quand même un peu dommage que cela tourne toujours sur les schémas classiques : l’équipe contre les méchant, Eisenhorn sérieux face au méchant, Eisenhorn doutant face au méchant, Eisenhorn badass pour finir le méchant, Eisenhorn et/ou son équipe préférant fuir. Si vous y pensez deux secondes, la majorité des confrontations racontés s’y tiennent ; ce qui n’est pas forcément un mal car chaque saga apporte son point de vue (il y a d’autres séries pour les combats de masse).

J’attends donc de bonnes scènes de notre héros en chaise antigrav et de l’anti-psyker par excellence. Esperons qu’ils sauront mieux s’entourer.

  • 1. Cela doit donc vous intéresser pas mal, ou vous l’avez lu depuis des lustres
  • 2. La BD s’étant terminée à cette époque, peut-être un clin d’œil.
  • 3. Ca y est, je deviens un intégriste du fluff il faut croire.
  • 4. Vous voyez qui c’est ? Bravo, pas moi.

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